Page:Loriot – Giseh, paru dans L’Ermitage, 1891.djvu/2

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


GISEH



DANS LA PYRAMIDE DU ROI MYCERINUS




Les poumons par le vide et la peur oppressés,
Nous troublâmes l’écho de son caveau sonore
Où couvait la chaleur des soleils entassés ;
Nous connûmes sa nuit cinq mille ans sans aurore.

À quelle heure ? il était mille heure… plus encore !
Mycerinus très vieux parmi les trépassés,
Dans le profond minuit des sommeils avancés
Ouvrait ses yeux d’émail qu’aucun feu ne colore,

Comme si l’âme absente au corps inconsolé
Eut encore à voix basse et tristement parlé
De ses chemins sans fin parmi les ans sans nombre…

Peint sur le sarcophage, un être au vol muet
Obscur insecte au corps sépulcral et fluet
Suspendait une croix sur le dormeur dans l’ombre.


HARMACHIS


Ces spectres décharnés achevaient leur voyage
Et plus d’un ossement blanchissait derrière eux,
C’étaient les Africains conduits en esclavage
Dans les carcans de fer enchaînés deux à deux.

Couché comme un lion superbe et douloureux
Armachis, le grand sphinx, observait leur passage :
Les traitants déchargeaient leurs fusils dans ses yeux
Puis fuyaient sans oser regarder son visage.