Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/18

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Ces réflexions, bien entendu, je ne les fis que bien des années plus tard, bien des années après la mort de lady Mordaunt, quand les événements…

Ce jour-là, je me contentais de rester coi, les yeux béants, devant la belle dame étrangère : le père Bricard l’accompagnait, tête nue et dos bas, pétrissant un vieux chapeau de paille entre ses mains terreuses ; très humble, il semblait faire les honneurs de Sonyeuse : la dame, arrêtée à quelques pas de nous, ne nous avait pas vus, elle regardait probablement devant elle, sans même un but à ses regards ; elle avait repris sa promenade visiteuse et s’en allait maintenant à travers la pelouse, la démarche sinueuse et molle, en relevant sa robe d’une main.

Nous vîmes alors, ma bonne et moi, que la dame n’était pas seule : un homme, que nous ne vîmes que de dos ce jour-là, mais élégant et bien pris dans une redingote olive, la tournure jeune et le jarret nerveux, accompagnait l’étrangère au voile jaune : son mari, sans doute, car une adorable petite fille, qui pouvait avoir à peu près mon âge, de neuf à dix ans, sautillait pendue aux basques