Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/23

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homme est trop jeune pour être le père de cette enfant ; il a vingt-trois ans, ce soit-disant Mordaunt : pour moi tout cela n’a rien de catholique et recèle quelque mystère ! et c’était aussi l’avis partagé par les miens, par ma mère surtout, qui nourrissait pour les étrangers de la rue de Viorne une soupçonneuse aversion.

Entrait-il dans ce sentiment un peu de jalousie pour l’exquise joliesse et l’élégance innée de l’étrangère ? ma mère avait-elle puisé cette espèce de malveillance haineuse dans sa fierté d’honnête femme, blessée de ce bonheur irrégulier installé triomphant sous ses yeux ? mais j’eus deux fois l’occasion, tout enfant que j’étais, de me rendre compte par moi-même de cette injuste hostilité.

La première fois à l’église, à l’Abbaye même de S…, où le hasard nous avait donné l’Anglaise et sa fille comme voisines de chaises et où déjà depuis six mois, chaque dimanche, nous entendions, ma mère et moi, la messe basse de neuf heures, à peine séparés des deux étrangères par l’épaisseur d’un fût de pilier : inutile de vous dire que je ne partageais nullement les sentiments