Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/284

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Aidée par le garçon et l’homme qui l’accompagnait, la femme venait de se débarrasser de ses fourrures. Debout devant une glace, elle ôtait maintenant la voilette, tout humide de givre qui lui coupait en deux le visage, lissait du doigt autour des tempes ses bandeaux d’un brun roux un peu relevés sous Le voile, puis, s’asseyant avec un joli sourire, elle défaisait lentement, très lentement des gants à dix boutons en fixant sur l’homme, enfin installé devant elle deux longs yeux très fendus au regard interrogateur.

Elle était grande, le corsage plein, la taille fine, comme moulée dans une robe très simple d’un bleu cendreux et très doux à son teint, un teint de brune un peu mûre, mais restée étonnamment jeune grâce à la souplesse de liane de tout son être et au modelé d’un adorable visage de grisette, sans empâtement, sans ride, et, chose étrange, sans l’artifice d’aucun fard,

— Oui, c’est bien elle, me chuchotait Moritz, je te conterai cela tout à l’heure.

Un petit drame se jouait maintenant à la table