Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/58

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l’entrée d’Héloïse annonçant le dîner, ils se retiraient tous trois, emportant la lampe et me laissant bouleversé de curiosité et d’indignation.

Il en fut ainsi des jours suivants ; une consigne avait été donnée, et tous autour de moi obéissaient à un ordre et pourtant je sentais que le drame de Sonyeuse n’était pas terminé ; au contraire son cours devait passionner toute cette petite ville, comme endormie dans la somnolence de ces courtes et tristes journées d’hiver. J’évoquais, dans ma pensée, Sonyeuse blanc de neige, ouaté de givre avec le silence mort de ses allées et la petite étoile des pattes de merles imprimée encore dans le velours blanc des pelouses, ces pelouses mornes entre les feuillages luisants des arbousiers et des houx ; c’est devant ce paysage désolé que lady Mordaunt agonisait sans doute, impénétrable et muette comme les horizons gelés de cette nature en deuil.

À la pâleur de ma mère, à l’emportement de ses étreintes en m’embrassant au front le soir, je devinais aussi que le petit oiseau tombé du nid n’était pas revenu…