Page:Lorrain, Jean - Sonyeuse, 1891.djvu/70

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lentement semblaient se lamenter entre elles, sans trêve et sans merci, sur le déchirement d’une mort ; mais le ciel était si bleu, ce matin-la, et il soufflait de la vallée, où les pommiers hâtifs commençaient à se poudrer de blanc, une telle brise de printemps en fleur que ces glas m’arrivaient presque comme une gaieté, dans de la vie et du soleil.

Tout à coup mon père entrait dans ma chambre ; il était en habit de cérémonie, en grand deuil. « As-tu vu mes gants noirs ? demandait-il à ma mère, le cortège est déjà à… »

Un regard de ma mère, qui s’était levée toute droite, l’arrêtait brusquement. « J’arriverai en retard », achevait-il en fouillant fébrilement ses poches.

« As-tu cherché dans la commode ? » répondait tranquillement ma mère, et elle se levait, passait dans la chambre à côté, sûre de trouver les gants.

Dehors les cloches sonnaient toujours leur glas mélancolique.

« Tu vas à l’enterrement, papa, hasardai-je en