Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/13

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— Hum ! hum ! hasardai-je. Ealsie était charmante, et si tu l’as adorée, elle t’a beaucoup aimée !…

— Aimé, moi ?

— Oui, puisqu’en somme elle a abandonné une position pour toi, sacrifié un entreteneur sérieux qui lui assurait de grands avantages, et je me suis pris souvent à vous envier tous deux, malgré vos brouilles et toutes vos trahisons (car tu l’as trompée, toi aussi, malgré ton grand amour lyrique et romantique) en pleine éruption du Vésuve et de l’Etna.

— Volcan éteint, l’éruption a trop dévasté ma campagne et chat échaudé craint l’eau froide !

À quoi, parodiant le beau sonnet d’Henri Becque, je hasardais cet à peu près moqueur :

« T’étais brutal et langoureux,
Elle était lascive et cruelle,
Vous vous détestiez tous les deux.

— Tu la détestes encore, d’ailleurs, donc tu l’aimes.

— Certes oui, je la déteste, mais comme le malade opéré déteste le chirurgien qui, pour le guérir, vient de lui faire effroyablement mal. J’aurais horreur de la revoir, mais je lui suis re-