Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/146

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quels chemins l’avait-elle conduit où je le ramassai, quand elle quitta sa fameuse villa mauresque ? La coquetterie suprême est dans la science des refus. Toujours est-il qu’une haine inavouée, mais d’autant plus existante, flambait sourdement entre la comtesse Ethereld et moi. Plusieurs fois, j’avais accompagné Claudius à la villa mauresque. Avec quelles grâces ne m’y avait-elle pas accueilli ? Ses yeux en devenaient doux à force d’être féroces, elle m’eût atrocement aimé : c’était une raffinée, elle aussi, mais je l’avais devinée, d’où sa haine. La raison d’être de ces femmes, c’est leur énigme même.

D’abord, cette chatte mâtinée de tigresse tenait en ce moment une proie entre ses griffes, et c’est cette proie que je voulais lui arracher, aggravation et complication de notre haine… Cette proie qu’elle m’avait laissée quasi morte, la raison de Claudius s’était pourtant remise… Du sang de ses blessures, ce meurtri avait fait un poème, cet étrange livre noir dont j’ai gardé le manuscrit ; puis le temps avait cicatrisé les plaies que le temps avait assainies… Elle, l’artisane de malheurs, l’ourdisseuse de désastres, avait disparu tout à coup sans laisser