Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/147

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d’adresse, envolée, évanouie, femme de nuit rentrée dans la nuit.

Depuis deux ans, je respirais, et voilà qu’elle venait de me le reprendre. Pendant que j’étais à Paris, elle, elle était là-bas et cette fois triomphante et bien sûre de l’œuvre accomplie, puisqu’elle m’appelait, moi, le seul être qu’elle eût écarté en cas de lutte encore possible. Le mal était fait, irréparable, et elle m’appelait pour m’en faire juge.

Ce télégramme m’atterrait.

Avait-elle peur maintenant seule en face de son œuvre ? Peur, cela ne lui ressemblait guère, elle était victorieuse et elle me défiait.

J’étais bouleversé de rage. C’était mon frère, mon ami, comme mon enfant, que cette femme me prenait. En tout cas, qu’il fût pour moi perdu ou non, la seule présence de Lady Viane auprès de Claudius constituait un danger et le plus terrible.

Je bouclai ma valise, dispersai une nuée de petits bleus vers mon équipe de femmes voilées et, à l’heure où j’aurais dû monter l’escalier de l’Opéra, je m’installai dans un wagon de la ligne du Havre, où j’arrivai éreinté, le lendemain matin à huit heures.