Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/155

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Et sur le blanc des oreillers, la tête de Claudius m’apparut. Cette tête était d’une pâleur verte : tête de décollé et de martyr, elle avait le nez pincé, l’œil mort, la peau tirée, creusée aux joues. Une barbe sale, une barbe de vingt jours moisissait sur ces misérables joues ; la chevelure et les moustaches seules étaient restées belles, embroussaillées, farouches, de leur couleur fauve d’or pâle ou de blé mûr. Entre les paupières meurtries et devenues noires, un peu du blanc de l’œil luisait : deux fentes enchâssant de l’argent bruni, c’était là son regard, la prunelle révulsée avait disparu sous la paupière supérieure.

Il avait les yeux entr’ouverts et pourtant, il dormait ; au coin de ses lèvres bleues et comme pourries, un peu d’écume s’amassait. Sous la lueur de la veilleuse, cette écume semblait rose ; une odeur d’éther et de chloroforme, où dominait une odeur fétide, l’odeur de la fièvre typhoïde, se dégageait de ces lèvres béantes, de ces narines pincées.

Lady Viane me passa son flacon : « Prenez garde, » dit-elle. Je repoussai sa main, je regardais Claudius. Mes yeux étaient secs. Était-ce un vivant, était-ce un cadavre ? J’étais atterré.