Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/198

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culte dont la dévotion s’exaspérait encore dans la chasteté désormais imposée à son jeune amour ; atteinte et meurtrie par le mariage aux sources même de la vie, cette estropiée de la maternité en chérissait d’autant plus l’auteur de sa souffrance, le mâle inconscient et maladroit peut-être par la faute duquel elle devait mourir.

Saintis avait cela pour lui, et il fallait bien lui rendre cette justice, qu’il entourait cette adorante agonie d’un grand confort et même de luxe. Madame Saintis s’éteignait lentement dans un cadre élégant de meubles choisis, de plantes rares et de soies claires. En venant me réfugier à Auteuil, chassé, moi aussi, de l’intérieur de Paris par l’ordonnance des médecins, j’avais trouvé les Saintis installés dans un coquet petit hôtel de la rue Michel-Ange, isolé de la chaussée par les massifs arrosés et fleuris d’un véritable parc.

Et les après matinées de soleil, d’une heure à deux, il m’arrivait de rencontrer au Bois Madame Saintis étendue dans le fond d’une victoria de louage, les pieds posés sur la banquette de devant, mais sous les couvertures amoncelées autour d’elle si fluette, si