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Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/203

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jour pour lui donner le bien-être qu’elle a. Mais j’ai eu cette chance, moi, que marié par passion et sensuel et sanguin, ma femme n’est plus une femme… Vous me comprenez ; depuis ses couches, depuis quatre ans, depuis la naissance de ce gamin (et poussant doucement devant lui l’enfant qu’il avait secoué un peu brutalement : « Va jouer mon petit, » ajoutait-il dans un léger tremblement dans la voix) depuis la naissance de cet enfant, j’ai chez moi une sœur, si vous le voulez, une amie, une camarade, et quelle camarade ! une malheureuse et douloureuse créature condamnée à mourir, un boulet quoi !… (et le mot lui échappait dans un rire cruel), mais entre nous plus rien…, sinon pour elle la mort, et à bref délai encore, et ma femme m’aime et me désire, hélas, la pauvre enfant, ah oui, elle m’aime, et après un silence, or j’ai des sens, j’ai trente-deux ans, moi, je ne suis pas un rêveur et un névrosé comme vous, je suis un sanguin qui barde et qui hussarde… et puis c’est si triste chez nous, cette misérable jeune femme qui souffre et n’ose se plaindre, toujours immobile sur un lit, cette martyre silencieuse que tenaille et torture cette blessure incurable… et c’est si injuste