Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/33

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et un défi, puisqu’elle est partie sans me laisser d’adresse et que je ne sais même pas où elle est et avec qui.

Il y a des heures où je préférerais la savoir morte.


4 Juin. — Le soir tombait, soulignant d’un trait rouge les lointains coteaux de Triel, et dans l’île de pêcheurs, où nous étions venus dîner en tête-à-tête, relativement sûrs de ne rencontrer en semaine âme qui vive dans ce restaurant de canotiers, dévastes pelouses de folle-avoine ondulaient devant nous, pareilles à des vagues avec, au bord des berges, des frissons argentés de roseaux et de saules.

Du côté de Migneaux, un grand rideau de peupliers, de ces peupliers d’Italie au feuillage éternellement inquiet, jalonnait ses hautes quenouilles à la fois grises et vertes sur la profondeur orangée du ciel ; au loin, de l’eau luisait.

C’était comme un soir des temps antiques, un soir de légende ou d’idylle, comme en ont noté dans d’impérissables rythmes des poètes amoureux inspirés de jadis ; une fraîcheur montait des berges en même temps qu’un vent