Page:Lorrain - Buveurs d’âmes, 1893.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

teau de la villa à louer disparaîtra du balcon et l’orphéon du pays inaugurera la saison.

D’ici là la ville est morte, ensommeillée dans sa torpeur au pied de ses falaises pelées, sous ce soleil qui brûle et semble durcir les vagues d’un bleu éclatant d’émail ; et de ces rues provinciales, poussiéreuses et mornes, de ces quais silencieux de port de pêche animé seulement pendant trois mois d’hiver émanent une si accablante tristesse, un tel navrement et une telle atmosphère de mort, que je me crois dans une ville au lendemain d’une peste, une ville vidée par la panique et dont la terreur a chassé le dernier habitant survivant.

La bleue immobilité de l’Océan ajoute encore à cette impression ; au pied de sa falaise, le Casino désert a des faux airs de lazaret avec son double rang de cabines aux bois fendillés de chaleur.

Ce pays est pourtant celui de mon enfance, mais une enfance si grise et si lourde d’ennui, aux yeux toujours tournés vers ailleurs, que je n’ai même pas le courage de la revivre. Je n’ai même pas été revoir la maison où je suis né. À quoi bon ? d’autres l’habitent.

Il y a vingt ans, une manière d’étang luisait