Aller au contenu

Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

la moisson : en arrivant, il ne trouva que le chaume nu. « Seigneur Dieu », s’écria-t-il, « qui donc est ainsi à consommer ma perte ? Je le devine : c’est celui qui a commencé qui achève et ma perte et celle du pays. » Il alla voir le troisième clos ; il était impossible de voir plus beau froment, et celui-là aussi était mûr. « Honte à moi, » dit-il, « si je ne veille cette nuit. Celui qui a enlevé l’autre blé viendra enlever aussi celui-ci ; je saurai qui c’est. » Il avertit Kicva. « Qu’as-tu l’intention de faire ? » dit-elle, ― « Surveiller ce clos cette nuit, » répondit-il. Il y alla.

Vers minuit, il entendit le plus grand bruit du monde. Il regarda : c’était une troupe de souris, la plus grande au monde, qui arrivait ; il était impossible de les compter ni d’en évaluer le nombre. Avant qu’il ne pût s’en rendre compte, elles se précipitèrent dans le clos ; chacune grimpa le long d’un tige, l’abaissa avec elle, cassa l’épi et s’élança avec lui dehors, laissant le chaume nu. Il ne voyait pas une tige qui ne fût attaquée par une souris et dont elles n’emportassent l’épi avec elles. Entraîné par la fureur et le dépit, il se mit à frapper au milieu des souris, mais il n’en atteignit aucune, comme s’il avait eu affaire à des moucherons ou à des oiseaux dans l’air. Il en avisa une d’apparence très lourde, au point qu’elle paraissait incapable de marcher. Il se mit à sa poursuite, la saisit, la mit dans son gant, dont il lia les extrémités avec une ficelle, et se rendit avec le gant à la cour.