Page:Loth - Mabinogion, tome 1.djvu/295

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plus clairs que le sien.

Son sein était plus blanc que celui du cygne, ses joues plus rouges que la plus rouge des roses. On ne pouvait la voir sans être entièrement pénétré de son amour. Quatre trèfles blancs naissaient sous ses pas partout où elle allait c’est pourquoi on l’avait appelée Olwen [1] (trace blanche).

Elle entra et alla s’asseoir sur le principal banc à côté de Kulhwch. En la voyant, il devina que c’était elle : « Jeune fille, » s’écria-il, » c’est bien toi que j’aimais. Tu viendras avec moi pour nous épargner un péché à moi et à toi. Il y a longtemps que je t’aime. » - » Je ne le puis en aucune façon, » répondit-elle : « mon père m’a fait donner ma foi, que je ne m’en irais pas sans son aveu, car il ne doit vivre que jusqu’au moment où je m’en irai avec un mari. Il y a cependant peut-être un conseil que je puis te donner, si tu veux t’y prêter. Va me demander à mon père ; tout ce qu’il te signifiera de lui procurer, promets qu’il l’aura, et tu m’auras moi-même. Si tu le contraries en quoi que ce soit, tu ne m’auras jamais et tu pourras t’estimer heureux, si tu t’échappes la vie sauve. » ― « Je lui promettrai tout et j’aurai tout. » Elle s’en alla vers sa demeure, et eux, ils se levèrent pour la suivre au château. Ils tuèrent les neuf portiers gardant les neuf portes sans qu’un seul fit entendre une plainte, les neuf dogues sans qu’aucun poussât un cri, et entrèrent tout droit dans la salle. « Salut, » dirent-ils, « Yspaddaden Penkawr [2], au nom de Dieu et des hommes. » ― « Et vous, pourquoi êtes-vous venus ? » ― « Nous sommes venus pour te demander Olwen, ta fille, pour Kulhwch, fils de Kilydd, fils du prince Kelyddon. » ― « Où sont mes serviteurs et mes vauriens de gens ? Elevez les fourches sous mes deux sourcils qui sont tombés sur mes yeux, pour que je voie mon futur gendre. » Cela fait, il leur dit : « Venez ici demain, et vous aurez une réponse. »

[3] La comparaison est aussi gracieuse que juste. La fleur du ményanthe trifolié, ou trèfle, aquatique, est une des plus charmantes de nos pays. Elle est d’une grande blancheur avec une très légère teinte purpurine ; elle aime les eaux de source. Au moment où les pédoncules sortent de l’eau, la fleur qu’ils portent n’est pas encore étalée ; elle ressemble à un calice à trois angles (v. notes critiques).

[4] D’après les lois galloises, le faucon qui a mué (qui a été levé de la mue, suivant l’expression propre de la fauconnerie) a une plus grande valeur qu’avant, surtout s’il devient blanc (Ancient laws, I, p 282). La comparaison avec l’œil du faucon est fréquente : Myv. arch., p. 252, col. 2. un guerrier est appelé trimud aer-walch ; cf. ibid., 221, col. 1 ; 257, col. 2). Le sens primitif de trimud est qui a trois mues ; mais à cause de sa ressemblance avec mut, « muet », son sens a évolué, et trimut, termut, a fini par signifier absolument muet, comme le prouve le passage suivant de Llywarch ab Llewelyn, poète du douzième et treizième siècle :

rei tra llwfyr tra llafar eu son

ac ereill taerlew termudion « les uns très lâches, très loquaces, les autres vaillants et fermes, tout à fait silencieux » (Myv. arch., p. 201, col. 2). Gwalch doit être traduit par tiercelet ou faucon mâle. Les lois (Ancient laws, II, p. 197) glosent (hebawc) wyedic ou faucon mâle par gwalch. Il est d’un prix moins élevé que le hebawc ou faucon sans épithète, c’est-à-dire le faucon femelle. Aneurin Owen, au t. I, p. 788 des Lois, se trompe donc en traduisant gwalch par buse. La mue profitait au faucon ; sa livrée n’était même complète qu’après trois mues. En parlant de la mue, François de Saint-Aulaire (Fauconnerie, Paris, 1819) dit que « le faucon en devient plus beau et plus agréable comme une personne estant vestue à neuf. » [5] L’auteur décompose le mot en ol, « trace », et aven, « blanche ».

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