Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/105

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

matiques surtout, il éprouvait une difficulté et un éloignement, lui qui était si capable de tout comprendre en fait de poésie et d’art…

La nuit venait, tardive et lente, après le beau crépuscule. En bas, dans la rue au-dessous d’eux, les passants qui rentraient, par groupes, de la promenade, commençaient à ne plus sembler que des masses confuses, où les coiffes blanches des femmes éclataient seules, sur tout le granit sombre des pavés et des murs… Et peu à peu cette dernière soirée se gravait pour plus tard, dans leur souvenir à tous deux, comme se gravent, on ne sait pourquoi, tant d’instants furtifs de la vie, à l’exclusion de tant d’autres… Lui, s’apercevait que réellement il était presque attaché à ce coin de fenêtre, aux aspects de ce quartier ; à cette terrasse en jardin, qui ne faisait même pas partie de son logis de louage, et à ces frêles fleurs cultivées par des inconnus… Et elle, maintenant, baissait la tête, ne voyait plus rien, mais s’angoissait, dans l’obscurité envahissante, à la pensée de dix mois d’attente inquiète,