Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/106

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de tout un hiver à passer ici, seule, sans lui…


XXII


Au large. Partout alentour, le vide, l’infini cercle bleu de la mer. En haut, l’échafaudage des voiles blanches et des cordes rousses aux senteurs de goudron, domaine de Jean et des gabiers ; mécanisme organisé merveilleusement, presque animé, dont chaque nerf moteur a son nom, sa fonction et sa vie ; et, circulant dans tout cela, l’équipage, c’est-à-dire quelques centaines d’hommes que le hasard a rassemblés, dont les noms sont tout à coup devenus des numéros, et dont les personnalités s’absorbent dans les fonctions remplies. Chez ces jeunes et ces simples, qui vivent là isolés du reste du monde, l’être individuel s’annihile, autant que dans les communautés religieuses ; les préoccupa-