Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/155

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Mais le lendemain, il s’aperçut avec étonnement que quelque chose de lui-même s’était accroché à cette jolie figure incolore et à ces jeunes yeux roux. À cause d’elle, à peine entrevue, il ne sentait plus ni sa solitude dans le port, ni le calme oppressant de la petite ville, ni l’enserrement des vieux remparts. C’était déjà le délicieux mirage d’amour, qui transforme toutes les choses présentes et efface toutes les choses passées…

À la tombée de la nuit, dès qu’il fut libre, il retourna du côté de sa maison, pour essayer de la revoir.

Et précisément elle arrivait aussi, comme s’il l’eût appelée. Il trembla en la reconnaissant. Elle rentrait seule, un peu en hâte, tenant à la main ce même petit sac de cuir qui avait été cause de tout. Elle était gantée convenablement, et sa mise, encore plus simple que celle d’hier, conservait je ne sais quoi de très comme il faut et de très gentil.

Elle revenait de travailler, cela se voyait bien ; donc, elle n’était qu’une petite ouvrière, rentrant sans doute chaque soir à