Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/174

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Ils étaient déjà de vieux amis de six semaines ; ils faisaient des stations sous les arbres, enhardis de ne jamais voir personne, et lui, par coquetterie, osait à présent venir en matelot. Leurs entretiens s’allongeaient comme les crépuscules.

Cependant, des yeux et des oreilles invisibles avaient naturellement tout surpris, depuis bien des soirs. À l’atelier de couture, les autres petites souriaient avec des mines singulières en regardant Madeleine, et si ses parents n’avaient pas été informés encore, c’était miracle, car tous les voisins savaient.

Un soir, Jean, arrivé le premier comme toujours, aperçut un homme, aux cheveux blonds grisonnants, qui faisait les cent pas et qui, après une minute d’hésitation, vint à lui. Il était droit et d’aspect militaire, boutonné dans une redingote d’un certain drap bleu qui sentait la marine : évidemment quelque « maître » en retraite, s’étant fait de son uniforme d’autrefois un costume civil en enlevant les ors… Jean se souvenait vaguement d’avoir déjà entrevu ce visage, un dimanche, dans la