Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/216

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volait, comme un grand oiseau nocturne aux ailes blanches. La vitesse, la bonne vitesse,’qui rendait l’espoir ! Et le premier souffle suave, la première bouffée d’air vif et libre qui, au débouché de ce panneau, passa sur sa tête, apporta à Jean une musique joyeuse ; un chant qui, d’en bas, s’entendait à peine, mais qui, là, semblait tout à coup s’enfler, éclater en salut, pour sa réapparition au milieu des matelots ses frères. C’était, toujours la chanson du « Vieux Neptune », toujours le même chœur facile et léger, indéfiniment recommencé aux mêmes heures des soirs ; sur l’infinie solitude de silence, à peine bruissante des frôlements de l’eau, la Saône dans sa course semait cette musique en traînée joyeuse, en long sillage sonore mais perdu, qu’aucune oreille n’était là pour recueillir.

Les yeux de Jean, déjà déshabitués de tout, après avoir, en une seconde, repris conscience de l’espace immense, s’occupèrent de l’envergure des ailes du navire, éployées et tendues : grandes choses dentelées, toutes blanches dans la diaphane