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Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/241

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Et celui qui commandait, du même ton bref qu’il avait pris pour dire : « Branle-bas ! » et pour faire aligner l’équipage, commanda : « La prière ! » avec quelque chose de plus grave pourtant dans la voix, parce que peut-être, à ce moment, il pensait aux pauvres disparus, et à celui qu’on avait jeté ce matin même dans les effroyables profondeurs fuyantes du dehors.

« La prière ! » Le matelot-clairon, gonflant une fois de plus ses joues et les veines de son cou, lança vers le vide extérieur cette courte sonnerie saccadée qui annonce chaque soir le Pater et l’Ave Maria des marins. Hautes et claires, les notes de cuivre vibraient cette fois plus étranges, dans la rumeur sourdement puissante des eaux. Et cette sonnerie semblait comme un appel, à je ne sais qui de très lointain ou d’inexistant, qu’on allait implorer pour la forme, sans espoir.

« La prière ! » Alors, un silence et une immobilité soudaine se firent chez les hommes, après que les rudes mains eurent touché rapidement les bonnets, qui, tous