Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/243

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machinalement la tête vers l’homme en robe noire qui priait, et, à cet instant où l’insouciant rire ne les égayait plus, on lisait sur ces visages jeunes de longues hérédités de lutte et de misère ; tous ces traits si vigoureux, accentués là par la fatigue du soir, semblaient durs et matériels, avec je ne sais quoi d’humblement résigné et de passif ; chez les Bretons, qui dominaient, reparaissait la rudesse primitive. Dans les yeux seulement, dans ces yeux restés très candides qui regardaient le prêtre, s’indiquaient çà et là des envolées d’âme vers quelque leurre de ciel, vers quelque paradis de légende, quelque imprécise éternité ; mais d’autres se révélaient presque sans pensée, semblaient refléter seulement l’infini des eaux, et s’arrêter à des conceptions rudimentaires, voisines du rêve confus des bêtes.

« Je vous salue, Marie pleine de grâce, vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus le fruit de vos entrailles est béni… » Il prononçait cette fois l’éternelle redite des soirs d’une voix de plus en plus lente, avec quelque chose d’entre-