Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/271

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Pâques, enfouie à présent derrière un rapide entassement d’années mortes… Il symbolisait pour Jean toute la période heureuse, choyée et ensoleillée de sa vie ; il lui représentait ses belles toilettes des dimanches, au temps passé, tout son luxe d’autrefois dans sa famille provençale, — luxe très modeste, à dire vrai, mais que le pauvre enfant, devenu matelot, s’exagérait volontiers en souvenir… Et la jolie tête aux boucles brunes, qui s’était coiffée jadis de ce petit feutre à ruban de velours, après être devenue très rapidement une tête virile, avait eu juste le temps d’entrevoir le puissant rêve des procréations, le délicieux trouble d’amour, et maintenant, roulée au fond inconnu des eaux éternellement obscures, elle n’était déjà qu’un rien sans nom, plus négligeable et plus perdu dans l’infini que le moindre galet des plages…

La mère, dans ses mains agitées et tremblantes, le retournait, le « petit chapeau » ; jamais elle ne lui avait trouvé autant qu’aujourd’hui cet air démodé et lamentable, cet air de relique d’enfant