Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/272

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mort. Elle vit même qu’une mite avait fait un trou dans le velours et que, çà et là, des moisissures blanches apparaissaient : le commencement du travail des infiniment petits, qui seront les grands triomphateurs de tout, et qui d’abord détruisent les pauvres objets auxquels nous avons l’enfantillage de tenir…

Qu’en faire, à présent, du « petit chapeau » que son Jean lui avait tant recommandé de soigner ? Dire qu’après elle personne ne resterait, personne au monde ayant un peu aimé son fils, personne à qui pourrait être laissée cette relique de lui. Alors quoi ? l’anéantir tout de suite de ses propres mains, la brûler ? Elle ne s’en trouvait pas le courage. Oh ! qu’en faire, mon Dieu ?… Voici que, dans sa tête en déroute, la présence du petit feutre à ruban de velours apportait une complication plus affreuse. Cela créait une entrave à mourir — et pourtant, quand elle se condamnerait à traîner longuement la vie, en vieille femme solitaire et pauvre, pour défendre contre le temps, avec une obstination puérile, ces riens qui