Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/37

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navire sur lequel il allait s’embarquer.

Oh ! mon Dieu, c’était un très modeste petit bateau du petit port d’Antibes, — ce qu’on avait trouvé de mieux pour lui permettre de revenir de temps en temps au logis, — un brick, qui chargeait pour les îles du Levant des jarres de terre cuite fabriquées à Vallauris…

En plus de sa désespérance, il souffrait cruellement dans son orgueil de grand-père, le pauvre vieil homme cravaté de blanc. Depuis tantôt vingt années, sa fille Henriette n’avait pu, à cause de la modicité de sa fortune, se faire complètement admettre par cette famille Berny, dans laquelle elle était entrée par un mariage. Dès qu’elle s’était trouvée veuve, réduite à ses propres ressources, il avait commencé d’endurer sans plainte un constant martyre de privations cachées, pour l’aider à garder les apparences d’une dame, à ne pas renvoyer Miette, à ne pas vendre sa maison, et surtout à faire instruire Jean chez les Maristes de Grasse. Et voici que ce petit-fils, ce Jean qu’il adorait quand même et peut-être plus tendre-