Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/43

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Jean s’y sentait, tout le temps, obsédé par le souvenir de certain dîner de Pâques, qui avait marqué dans sa vie d’enfant comme une sorte d’étape, mystérieusement auréolée après coup dans le lointain de la route parcourue… Le premier costume d’homme et le petit feutre marron ; les premières transparences douces, les premiers mirages du printemps, entrevus par les fenêtres ouvertes ; une impression de commencement rose et de fraîche aurore, se dégageant de tout… Cette fois, au contraire, je ne sais quel avant-goût prématuré de fin et de grand soir, joint à cette sensation physique d’hiver, que donnait le temps refroidi et la tombée plus hâtive de la nuit…

Quand, après le dessert de raisins d’automne, il se leva, sans entrain du reste et sans hâte, pour aller comme d’habitude se promener par les rues, son grand-père lui dit : « Reste, mon enfant, je te prie ; nous avons à te parler. »

Il demeura debout, tête baissée, subitement plus assombri, s’apprêtant à la défense, craignant quelque tentative pour le