Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/56

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loppe, les deux chères écritures, celle de sa mère et celle, toujours plus tremblée, de son vieux grand-père au déclin de la vie. Il les conservait comme des reliques sacrées, dans une boîte au fond de sa très petite armoire humide. C’était tout ce qui lui était précieux à bord de ce navire où il vivait avec la même rudesse et la même pauvreté que le dernier des matelots.

Quelquefois, par hasard, on avait un jour de repos ; il fallait subir la tristesse d’un dimanche, dans quelque village isolé, dans quelque baie perdue. Alors Jean, pour aller se promener, remettait son costume d’élégant, qui avait pris une mine fanée pour être resté longtemps plié dans l’humidité, et qui n’allait plus, qui devenait trop étroit pour ses épaules élargies. Il se promenait seul, redevenu, pour quelques heures, l’enfant d’autrefois aux longues flâneries et aux vagues pensées profondes. Il marchait devant lui sans but observant en rêveur qu’il était les choses inconnues, échangeant des regards avec des filles, brunes ou blondes, ébauchant de très vagues amours qui, dans de tels villages,