Page:Loti, Matelot (illustration de Myrbach), 1893.djvu/72

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davantage, comme dans ces mauvais rêves où le temps n’a plus de durée.

Et, le soir où l’acte fut signé, quand ils se trouvèrent assis ensemble à la table de famille, leur dîner pauvre, servi encore par Miette, fut comme un repas de funérailles ; leur soirée, comme une veillée de mort.

Son plan, à elle, était maintenant fait dans sa tête : puisqu’il fallait que Jean, dont la dix-huitième année allait sonner, s’engageât comme matelot et qu’elle-même se mît à travailler, à vivre en ouvrière, alors le plus loin d’Antibes serait le mieux ; ils partiraient ensemble pour l’autre bout de la France ; elle irait se fixer avec lui dans un des ports de guerre du Nord. Toulon était bien trop près, elle y connaissait du monde. Et puis Jean devait passer au moins une année à Brest, sur le vaisseau-école des matelots ; donc, c’est là qu’ils iraient habiter ensemble tous deux, pour au moins cacher leur détresse.

En octobre, le nouveau propriétaire leur donna huit jours pour vider la maison et préparer leur grand départ. Aussitôt