Page:Loti - Aziyadé.djvu/105

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Quand ils arrivèrent, la place de la mosquée était devenue déserte, et la nuit froide.

Je pris sa main sans mot dire, et l’entraînai en courant vers ma maison, oubliant le pauvre Samuel, qui resta dehors…

Et, quand le rêve impossible fut accompli, quand elle fut là, dans cette chambre préparée pour elle, seule avec moi, derrière deux portes garnies de fer, je ne sus que me laisser tomber près d’elle, embrassant ses genoux. Je sentis que je l’avais follement désirée : j’étais comme anéanti.

Alors j’entendis sa voix. Pour la première fois, elle parlait et je comprenais, — ravissement encore inconnu ! — Et je ne trouvais plus un seul mot de cette langue turque que j’avais apprise pour elle ; je lui répondais dans la vieille langue anglaise des choses incohérentes que je n’entendais même plus !

Severim seni, Lotim ! (Je t’aime, Loti, disait-elle, je t’aime !)

On me les avait dits avant Aziyadé, ces mots éternels ; mais cette douce musique de l’amour frappait pour la première fois mes oreilles en langue turque. Délicieuse musique que j’avais oubliée, est-ce bien possible que je l’entende encore