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Stamboul avait un aspect inaccoutumé ; les hodjas dans tous les minarets chantaient des prières inconnues sur des airs étranges ; ces voix aiguës, parties de si haut, à une heure insolite de la nuit inquiétaient l’imagination ; et les musulmans, groupés sur leurs portes, semblaient regarder tous quelque point effrayant du ciel.

Achmet suivit leurs regards, et me saisit la main avec terreur : la lune que tout à l’heure nous avions vue si brillante sur le dôme de Sainte-Sophie, s’était éteinte là-haut dans l’immensité ; ce n’était plus qu’une tache rouge, terne et sanglante.

Il n’est rien de si saisissant que les signes du ciel, et ma première impression, plus rapide que l’éclair, fut aussi une impression de frayeur. Je n’avais point prévu cet événement, ayant depuis longtemps négligé de consulter le calendrier.

Achmet m’explique combien c’est là un cas grave et sinistre : d’après la croyance turque, la lune est en ce moment aux prises avec un dragon qui la dévore. On peut la délivrer cependant, en intercédant auprès d’Allah, et en tirant à balle sur le monstre.

On récite en effet, dans toutes les mosquées, des