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C’était une bien splendide créature, aux chairs fraîches et veloutées, aux lèvres entr’ouvertes, rouges et humides. Elle portait la tête en arrière, haute et fière, avec la conscience de sa beauté souveraine.

L’ardente volupté se pâmait dans le sourire de cette bouche, dans le mouvement lent de ces yeux noirs, à moitié cachés sous la frange de leurs cils. J’en avais rarement vu de plus belle, là, près de moi, attendant mon bon plaisir, dans la tiède solitude d’une chambre parfumée ; et cependant il se livrait en moi-même une lutte inattendue ; mes sens se débattaient contre ce quelque chose de moins défini qu’on est convenu d’appeler l’âme, et l’âme se débattait contre les sens. À ce moment, j’adorais la chère petite que j’avais chassée ; mon cœur débordait pour elle de tendresse et de remords. La belle créature assise près de moi m’inspirait plus de dégoût que d’amour ; je l’avais désirée, elle était venue ; il ne tenait plus qu’à moi de l’avoir ; je n’en demandais pas davantage et sa présence m’était odieuse.

La conversation languissait, et Séniha avait des intonations ironiques. Je me raidissais contre moi-