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XIII

Le soir, nous remontions en caïque la Corne d’or ; jamais nous n’avions tant couru Stamboul ensemble en plein jour. Elle paraissait ne plus se soucier d’aucune précaution, comme si tout était fini pour elle, et que le monde lui fût indifférent.

Nous avions pris un caïque à l’échelle d’Oun-Capan ; le jour baissait, le soleil se couchait derrière un ciel de tempête.

On voit rarement en Europe ciel si tourmenté et si noir ; c’était, au nord, un de ces terribles nuages arqués, à l’aspect de cataclysme, qui annoncent en Afrique les grands orages.

— Regarde, dis-je à Aziyadé, voilà le ciel que je voyais chaque soir dans le pays des hommes noirs, où j’ai habité un an avec le frère que j’ai perdu !

Du côté opposé, Stamboul, avec ses pointes aiguës, se frangeait sur une grande déchirure jaune, d’une nuance éclatante et profonde, — éclairage fantastique et presque funèbre.

Un vent terrible se leva tout à coup sur la Corne