Page:Loti - Aziyadé.djvu/275

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’or ; la nuit tombait et nous étions transis de froid.

Les grands yeux d’Aziyadé étaient fixés sur les miens, regardant à une étrange profondeur ; ses prunelles semblaient se dilater à la lueur crépusculaire, et lire au fond de mon âme. Je ne lui avais jamais vu ce regard et il me causait une impression inconnue ; c’était comme si les replis les plus secrets de moi-même eussent été tout à coup pénétrés par elle, et examinés au scalpel. Son regard me posait à la dernière heure cette interrogation suprême : « Qui es-tu, toi que j’ai tant aimé ? Serai-je oubliée bientôt comme une maîtresse de hasard, ou bien m’aimes-tu ? As-tu dit vrai et dois-tu revenir ? »

Les yeux fermés, je retrouve encore ce regard, cette tête blanche, seulement indiquée sous les plis de mousseline du yachmak, et, par-derrière, cette silhouette de Stamboul, profilée sur ce ciel d’orage…