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Page:Loti - Jérusalem, 1895.djvu/38

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idées ; depuis hier, nous n’avons pas eu le temps de nous y réhabituer encore. Enfin, il y a l’amusement de nos costumes arabes, que nous portons aujourd’hui pour la dernière fois — et qui mystifient deux bandes de touristes des agences en marche vers Hébron : tandis qu’ils nous dévisagent comme de grands cheiks, leur guide syrien explique comme quoi nous sommes des Moghrabis, c’est-à-dire des hommes de ce vague Moghreb (Occident) qui, pour les Arabes de Palestine, commence à l’Égypte pour finir au Maroc. En effet, de ce côté-ci du désert, les grands voiles de laine blanche dont nous nous sommes enveloppés ne se portent plus et désignent tout de suite les quelques pèlerins de distinction venus des contrées occidentales.

Notre recueillement, amassé dans les précédentes solitudes, s’est pour l’instant évanoui, à la réapparition des voyageurs modernes et des voitures. Éveillés de notre rêve grand et naïf, retombés de très haut, nous sommes devenus de simples « Cook », avec cette aggravation d’être déguisés, par une fantaisie puérile qui tout à coup nous gêne.



Cependant, la campagne peu à peu reprend une mélancolie spéciale et si profonde !… Les vignes, les