Page:Loti - L’Horreur allemande, 1918.djvu/254

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nouveaux, d’un noir plus intense, qui se tordaient sur le ciel et puis retombaient pour se fondre dans l’immense nuée stagnante posée sur les lointains comme un crêpe de deuil.

— Ça, c’est Reims qui brûle, mon colonel !… me jeta en passant, sur un ton de morne hébétude, un vieux bûcheron qui redescendait, courbé sous un fagot de branches de mélèze.

Oh ! je le savais bien, naturellement, que c’était Reims qui brûlait là-bas !… Mais quand même, cette façon de le dire tout net, avec tant de résignation tranquille, ajoutait je ne sais quoi de plus à l’horreur de la grande mise en scène funéraire.

Hélas ! Hélas ! Regarder brûler Reims, et n’y rien pouvoir !… Oh ! Reims, quel nom fut jamais plus évocateur que celui-là, de notre merveilleux passé, de nos temps de foi rayonnante et d’art pur ! Et songer qu’à lui seul un vieux démoniaque de Germanie, en délire de rage sénile, a pu décréter et consommer l’anéantissement de ces reliques sacrées ! Vraiment ne faut-il pas qu’il ait perdu même toute pudeur dans le crime, pour oser cette