Aller au contenu

Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mouni, avec son vague nirvâna. n’avait pas osé concevoir, c’est que la personnalité, le souvenir et l’amour, sans lesquels il ne vaudrait pas la peine de revivre, persistaient après la mort, et qu’il y aurait une union sans fin aux êtres chéris, quelque part où l’on serait à jamais pardonné et pur. Avec une certitude sereine, qui ne semble pas terrestre, il disait ces choses. Il chantait, comme aucun prophète n’avait su le faire, le chant des revoirs éternels qui a bercé pendant des siècles les souffrances et les agonies. Et ce chant-là, voici que de nos jours, au triste déclin des temps, les hommes se meurent de ne plus l’entendre… Il est plus de midi quand nous atterrissons dans les herbes, à Bethsaïda, où nos chevaux, venus par les sentiers de Gennesareth, doivent être arrivés depuis longtemps. Il y a là une maison isolée, qu’un moine habite avec quelques serviteurs arabes. La maison est presque une forteresse. Et on dirait un vieux soldat d’avant-garde, ce moine basané qui vient à notre rencontre. Ses chiens qui l’accompagnent ont les oreilles et la queue en lambeaux, à la suite de leurs batailles de nuit avec les chacals maraudeurs.