Aller au contenu

Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

blancheur des marguerites qui se courbent avec un bruit léger sous le passage traînant de nos burnous. Et on sent, sur ces campagnes, vides à présent de toutes les bêtes qui les animaient pendant le jour, planer le sentiment des antiques nuits pleines d’embûches, courir le frisson des vieilles peurs. Sur l’avis de notre guide, nous avons demandé au cheikh du village de nous adjoindre des relèves de deux veilleurs armés, pour nous garder jusqu’au matin ; ce lieu, d’aspect pourtant si paisible, a moins bonne renommée que nos marécages d’hier, et on le dit visité fréquemment par les Bédouins pillards. Les deux hommes de la première veille arrivent sitôt la nuit close ; leurs deux têtes brunes à dents blanches apparaissent ensemble à l’ouverture de ma tente et ils me montrent en souriant leurs massues énormes, garnies de pointes de métal comme les anciennes masses d’armes. La lune ne nous éclairera que très tard et nous nous endormons au milieu du grand concert ininterrompu des eaux, dans des ténèbres étoilées.