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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/190

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qu’il nous faudra franchir tout entier pour atteindre Baalbek, et là enfin, dans une région de pierres, des solitudes, des aspects grandioses nous sont rendus. Sur des plateaux chauves, ou dans de hauts ravins, nous retrouvons, pour des heures, les vastes lignes géologiques nullement dérangées par les hommes, et sans âge ; l’impression d’être isolés dans un pays vide ; presque lecharme du désert. Un cavalier arabe nous rattrape, rôde autour de nous en faisant parader son cheval, avec une visible envie d’entrer en relations ; il est coiffé d’un voile or et rouge, et drapé d’un long manteau noir brodé d’or ; lui et sa bête sont superbes. Et la connaissance se fait, à la fin, par un sourire échangé entre nous à l’occasion d’une prodigieuse pirouette de son cheval cabré. Je lui adresse le compliment qu’il cherchait sur sa manière de monter ; par hasard, il entend le turc, alors, nous voilà amis. Donc, nous cheminerons ensemble, dans ces hautes solitudes de pierres, jusqu’à son village qui est par là-bas vers Baalbek, et il partagera tout à l’heure notre dîner, puis nos tapis étendus, pour le repos en plein vent. Autour de nous, tout devient toujours plus âpre, plus tourmenté, et, par instants, au milieu de cette Syrie pourtant si profanée, nous reprenons pied dans la grande vie libre.