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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/212

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quand même et si proprement lavée, s’ouvre un peu sur son cou très long et très plein ; — et la femme orientale s’indique encore, malgré le costume changé, au collier de sequins et d’ambre qui descend sur la gorge, au henneh qui prolonge les sourcils. Elle nous apporte de modestes narguilés campagnards, en verre grossier et en cuivre ; mais elle a eu soin de mettre, dans l’eau des carafes, des roses rouges et des fleurs d’oranger pour donner bonne odeur. Et elle essaie la chose avant de nous l’offrir, elle l’amorce soigneusement, avec une complète insouciance du charme que peut-être elle y ajoute en y appuyant sa bouche : — fille d’auberge, en somme, dont la beauté sera cueillie par le premier venu… Dehors, sous ces grands souffles rudes, on avait l’impression de l’hiver ; tandis qu’ici, dans cet abri que réchauffe le soleil, on est bien, à regarder les caravanes passer dans la plaine nue. Repartir est ennuyeux et presque mélancolique. Je ne sais quoi nous retient dans ce hangard blanc où le soleil entre ; non pas seulement la crainte physique du vent glacé qu’il faudra fendre à cheval jusqu’à ce soir, mais aussi la pensée que c’est une des dernières étapes de notre vie nomade et que tout cela va finir ; et peut-être enfin, qui sait,