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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/219

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l’air, l’admirable couleur des horizons et le rayonnement bienfaisant du vieux Baal qui nous réchauffe, voici que notre dernière petite halte de montagne s’enveloppe peu à peu de l’immense et éternelle mélancolie des choses qui vont finir… Fin de la vaine, de l’inutile étape que ce voyage aura été dans notre vie. Fin de notre course aux fantômes, à travers un pays lui aussi finissant — et finissant de la grande fin sans recommencement possible. Au départ, on nous l’avait dit : « Jérusalem, la Galilée… le Christ n’y est plus… » Et en effet, dans toute cette Terre Sainte, nous n’avons guère trouvé que la profanation, ou bien le vide et la mort. Bientôt, du reste, on l’aura tellement changé et détruit, ce berceau du monde, que nos fils ignoreront quels étaient sa tristesse délicieuse et son antique mystère ; et le peuple arabe, qui depuis tant de siècles nous le gardait — sous un joug hostile, il est vrai, mais immobilisant et à peine destructeur — le peuple arabe, le peuple du rêve s’en va lui-même, et si vite ! devant l’invasion dissolvante et mortelle des hommes d’Occident… Nous suivons des yeux là-bas la caravane de Bagdad, qui lentement descend vers la ville encore éloignée ; elle est déjà très bas sous nos pieds et la