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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/31

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ons, sous de vieux turbans misérables, des figures bouffies et rongées, sans nez et sans yeux. Ils tendent vers nous des mains qui n’ont plus d’ongles ou même plus de doigts et ils murmurent à voix basse des souhaits de bon voyage. « Jetez, jetez vos aumônes ! Ne touchez pas leurs mains, surtout ! » nous crient les Pères, du seuil de leurs cloîtres, où ils sont descendus pour nous dire adieu. Nous montons en hâte sur nos bêtes harnachées de pendeloques bédouines, impatients que nous sommes de nous ensoleiller dans la campagne, au grand air libre. Enfin il fait beau ! Alors tout change, toute la magie de l’Orient est retrouvée, et c’est un immense enchantement. Au sortir de la ville, dans les vergers délicieux où les oiseaux chantent, cela sent l’oranger, le jasmin, les roses — et autre chose encore de suave, qui ne se définit pas, mais qui est comme l’odeur même du Levant, et qui grise. Voici maintenant les cimetières, s’étageant au flanc de la montagne ; suivant l’usage, une foule de femmes musulmanes y sont groupées ; les bornes funéraires, toutes pareilles, debout comme des personnages blancs, ressemblent aux promeneuses, qui sont blanches aussi, drapées dans leurs voiles ; et c’est, parmi des touffes de grandes feuilles lancéolées, de glaïeuls ou d’iris,