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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/58

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exquises que nous passons là à les attendre, errant au hasard, nous asseyant sur des pierres, nous étendant sur des lits d’herbes, aux environs de la grotte où notre quartier général est établi. Des roches nous cachent à peu près Nazareth, qui demeure assez lointaine, assez imprécise encore, et auréolée à distance de toute la magie de son nom. Rien que le paysage seul, le paysage presque éternel, qui fut familier à l’enfance du Christ… Au fond de ce golfe sans eau, que Nazareth regarde si tristement, le velours uni des blés et desorges est d’un vert intense. Mais partout ailleurs, sur les régions hautes d’alentour, une même teinte discrète est répandue ; des affleurements de pierrailles grises alternent avec les plantes délicates des lieux secs : lins roses, ou fleurs pâles couleur de soufre, au-dessus desquelles des myriades de très fines graminées jettent comme un immense voile de mousseline. Et pas un arbre ne vient rompre la monotonie de ces plans de montagnes, qui n’ont du reste aucune forme heurtée, dont les courbes sont adoucies comme les nuances. Au delà des nappes vertes qui simulent à nos pieds une eau profonde, sur le versant de la baie opposé au nôtre, paissent des troupeaux de chèvres : lentes traînées noires — dirait-on d’où nous sommes — qui se déplacent en ondulant, qui peu à peu