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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/67

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s’angoissa devant l’anéantissement prochain, peut-être revit-il, dans sa rêverie dernière — comme eût fait le moindre d’entre nous — les montagnes familières à son enfance, le triste golfe d’herbages au bord de la plaine d’Esdrelon, et les hauts pâturages tranquilles, où s’entendait, pendant les soirs d’autrefois comme aujourd’hui, le rappel des chèvres au chalumeau des bergers — toutes les choses enfin que nous contemplons là devant nous, de plus en plus obscurcies, réduites à des silhouettes d’ombre, et sans âge à présent, pareilles à ce qu’elles devaient être il y a deux mille années… La nuit tout à fait tombée, quand nous sommes assis sous nos tentes, des Nazaréens et des Nazaréennes arrivent, les uns après les autres, soulevant discrètement notre porte de toile après avoir demandé la permission d’entrer. Les hommes, pour nous vendre des vases de verre irrisé trouvés dans des tombeaux : les femmes, toutes jolies, pour nous offrir des petits voiles de mousseline, brodés par elles d’après des traditions de dessin particulières à ce pays. Ils sont chrétiens, les vendeurs et les vendeuses, et il y a dans leurs manières je ne sais quoi d’aimable, de franc, de presque fraternel, pourrait-on dire, qui