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Page:Loti - La Galilée, 1896.djvu/80

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Notre marche reprise, c’est un enchantement tout à coup d’apercevoir, au bord de la nappe toujours agrandie du lac, le fantôme de Tibériade. A vol d’oiseau, comme nous le voyons, on dirait ces plans des villes de Terre Sainte, dessinés sans perspective sur les missels du temps des Croisades ; c’est quelque chose d’idéalement oriental et ancien ; sous ce pâle ciel de rêve, c’est comme le silencieux pays de quelque belle au bois dormant qu’il serait trop tard pour réveiller… Une antique muraille noire, à bastions et à tours encore formidables, enserre des petites coupoles, les unes blanchies à la chaux, les autres restées grises, parmi lesquelles s’élancent çà et là de frêles palmiers penchés. Et toutes ces choses, vues des lieux élevés où nous sommes encore, se profilent sur la nappe gris de lin de la mer, qui s’étend très haut au-dessus, comme une sorte de ciel triste et lourd, prêt à les submerger. Pas une route pour mener à cette Tibériade ; partout le tapis des herbages vient tranquillement mourir au pied de ses murs. Et pas un navire le long de ses quais morts, ni ailleurs, sur la surface de sa petite mer fermée… Oh ! le sommeil de ces vieilles villes d’Orient, immobilisées dans des régions