Page:Loti - La troisième jeunesse de Madame Prune, 1905.djvu/52

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raffinés, des névrosés, mais souvent aussi des êtres sains et primitifs ; ainsi je me rappelle que certaine petite chatte grise, de six mois, à bord d’un de mes derniers navires, causait de véritables transports à bon nombre de matelots ; ils lui donnaient les noms les plus délirants, la pétrissaient de caresses, se fourraient longuement la moustache dans son pelage doux et propre, l’embrassaient à la manger, — tout comme j’étais capable de faire moi-même, quand par hasard je l’attrapais, cette moumoutte, dans un coin propice et sans témoins indiscrets.

Inutile de dire que je ne vais pas aussi loin avec mademoiselle Pluie-d’Avril en falbalas, qui sans doute serait très choquée du procédé ; mais les jeunes chats et elle me causent des sensations du même ordre, c’est incontestable, et il y a des instants où des velléités me prennent de la pétrir, — ce que je pourrais faire d’ailleurs sans plus de trouble intime que si c’était mademoiselle Moumoutte en fourrure grise.

Je viens donc souvent m’asseoir sur les nattes immaculées, dans les grands appartements vides et sonores de la « Maison de la Grue ». On y