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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/111

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Le jour où il put mettre enfin le pied à Stamboul était un des plus désespérément glacés et obscurs de toute lannée, bien que ce fût un jour davril.

De lautre côté de leau, aussitôt le pont franchi, dès qu’il se trouva dans lombre de la grande mosquée du seuil, il se sentit redevenir un autre lui-même, un André Lhéry qui serait resté mort pendant des années et à qui auraient été rendues tout à coup la conscience et la jeunesse. Seul, libre, ignoré de tous dans ces fouies, il connaissait les moindres détours de cette ville, comme se les rappelant dune existence précédente. Des mots turcs oubliés lui revenaient à la mémoire ; dans sa tête, des phrases sassemblaient; il était de nouveau quelquun dici, vraiment quelquun de Stamboul.

Tout dabord il éprouva la gêne, presque le ridicule dêtre coiffé dun chapeau. Moins par enfantillage que par crainte déveiller lattention de quelque gardien, dans les cimetières, il acheta un fez, qui fut suivant la coutume soigneusement repassé et conformé à sa tète dans une des mille petites boutiques de la rue. Il acheta un chapelet, pour tenir à la main comme un bon Oriental. Et, pris de hâte maintenant, dextrême impatience darriver à cette tombe, il sauta dans une voiture en disant au cocher:Edirné kapoussouna guetur ! (Conduis-moi à la Porte dAndrinople.)

Cétait loin, très loin, cette porte dAndrinople,