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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/115

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autrefois, pour retrouver la demeure de celle qu’il avait appelée Medjé, parmi tant dautres demeures presque pareilles qui dun horizon à lautre couvraient ce désert. Cétait bien dans ce petit groupe là-bas ; il reconnaissait lattitude et la forme des cyprès. Et cétait bien celle— ci, malgré son air davoir cent ans, cétait bien celle-ci dont les stèles déracinées gisaient maintenant sur le sol… Combien la destruction avait marché vite, depuis la dernière fois qu’il était venu, depuis à peine cinq années !… Même ces humbles pierres, le temps navait pas voulu les laisser à la pauvre petite morte, tellement enfoncée déjà dans le néant, que sans doute pas un être en ce pays nen gardait le souvenir. Dans sa mémoire à lui seul, mais rien que là, persistait encore la jeune image, et, quand il serait mort, aucun reflet ne resterait nulle part de ce que fut sa beauté, aucune trace au monde de ce que fut son âme anxieuse et candide. Sur la stèle, tombée dans lherbe, personne ne viendrait lire son nom, son vrai nom qui dailleurs névoquerait plus rien… Souvent autrefois, il sétait senti profanateur, pour avoir livré, quoique sous un nom dinvention, un peu delle-même à des milliers dindifférents, dans un livre trop intime, qui jamais naurait dû paraître ; aujourdhui, au contraire, il était heureux davoir fait ainsi, à cause de cette pitié éveillée pour elle et qui continuerait peut-être de séveiller çà et là pendant quelques années