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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/125

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sonnes pressées de faire quantité de questions, dans une entrevue qui ne pouvait être que très courte. Leur aisance à s’exprimer en français surprenait André Lhéry autant que leur audace épeurée. Et, le vent ayant presque soulevé les voiles d’une figure, il surprit un dessous de menton et le haut d’un cou, choses qui vieillissent le plus vite chez la femme, et qui là étaient adorablement jeunes, sans l’apparence d’un pli.

Elles parlaient toutes ensemble et leurs voix faisaient comme de la musique ; il est vrai, ce vent et ces doubles voiles y ajoutaient une sourdine ; mais le timbre par lui-même en était exquis. André, qui, au premier abord, s’était demandé s’il n’était pas mystifié par trois Levantines, ne doutait plus maintenant d’avoir affaire à des Turques pour de bon ; la douceur de leurs voix était un certificat d’origine à peu près certain, car, au contraire, trois Pérotes parlant ensemble, cela eût fait songer tout de suite au Jardin d’acclimatation, côté des cacatoès[1].

— Tout à l’heure, — dit celle qui déjà intéressait le plus André, — j’ai bien vu que vous avez ri, quand je vous annonçais que nous étions venues trois. Mais aussi, vous ne m’avez pas laissée conclure. C’était pour en arriver à vous dire que, trois aujourd’hui, trois

  1. Il y a d’aimables exceptions, je me plais à le constater. (Note de l’auteur).