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Page:Loti - Les Désenchantées, 1908.djvu/139

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monde ; il servirait là, en sous-ordre, dans une ambassade ; il avait une profession, et surtout il avait un âge !… Et Mélek alors s’amusait à dépeindre à sa cousine le personnage de ses anciens rêves comme un vieux monsieur chauve et vraisemblablement obèse.

— André Lhéry, — leur répondait quelques jours après une de leurs amies de l’ambassade d’Angleterre, qui avait eu l’occasion de le rencontrer et qu’elles interrogeaient sur lui avec insistance, — André Lhéry, eh bien ! mais… il est généralement insupportable. Chaque fois qu’il desserre les dents, il a l’air de vous faire une grâce. Dans le monde, il s’ennuie avec ostentation… Pour obèse, ou déplumé, ça non, par exemple ; je suis forcée de lui accorder que pas du tout…

— Son âge ?

— Son âge… Il n’en a pas… Ça varie de vingt ans d’une heure à l’autre… Avec les recherches excessives de sa personne, il arrive encore à donner l’illusion de la jeunesse, surtout si on réussit à l’amuser, car il a un rire et des gencives d’enfant… Même des yeux d’enfant, je les lui ai vus dans ces moments-là… Autrement, hautain, poseur, et moitié dans la lune… Il s’est acquis déjà la plus mauvaise presse qu’il soit possible…

Malgré de telles indications, elles avaient fini par se décider à tenter l’énorme aventure d’aller à lui, pour rompre la monotonie désespérée de leurs jours.